En 2011, suite à l’accident nucléaire de Fukushima, l’Allemagne précipite sa sortie totale du nucléaire dès 2022. Cette énergie représentait pourtant 22% de son électricité, dont il faudra maintenant trouver les sources (et les ressources) pour la remplacer...De la folie, selon certains, un mal nécessaire pour d’autres, en tout cas, ce fut un grand pas vers les énergies renouvelables !
Aujourd’hui, l’Allemagne est lancée dans une vraie course au renouvelable, et se positionne en tant que leader mondial du photovoltaïque. Avec plus de 32 GW d’énergie solaire, l’Allemagne possède à peu près le tiers de la capacité mondiale en photovoltaïque et représente la moitié de la production Européenne. Ci-dessous l’évolution de la puissance photovoltaïque en Europe jusqu’en 2011.
Depuis 2010, l’Allemagne bat chaque année son propre record de croissance solaire, avec 7,4 GW additionnels en 2010, 7,5 GW en 2011 et 7,6 GW en 2012. L’Allemagne installe l’équivalent de la puissance totale cumulée des Etats Unis en un an, en 6 mois celle de la France.
Le saviez-vous ? La Bavière a maintenant plus de capacité photovoltaïque que les Etats Unis, avec seulement 0.7% de sa superficie.
Cela est non sans controverse, générée de la part des lobbys des énergies conventionnelles tels que le gaz et le nucléaire, ainsi que de la part de la population. En effet, malgré son aspiration pour le renouvelable et son appréhension pour le nucléaire, elle est souvent ramenée à la réalité par l’inflation des prix d’électricité. Ayant un certain impact sur le potentiel de croissance économique aujourd’hui, ce mouvement mène toutefois vers une indépendance énergétique précieuse dans un monde de plus en plus incertain, et peut être perçu comme un investissement national stratégique au plus long terme.
Pourquoi l'industrie du solaire fonctionne-t-elle aussi bien en Allemagne ?
Plus de 1.3 millions de systèmes ont été installés à présent, dont la plupart sont résidentiels. Comment ce modèle fonctionne-t-il donc, et pourquoi l’industrie solaire Allemande connait-elle un tel essor, trois fois plus puissant que son concurrent direct, l’Italie?
Voici quelques uns des facteurs les plus importants expliquant le leadership allemand en photovoltaïque, qui n’est pourtant pas un pays des plus ensoleillés (l’ensoleillement du sud de l’Allemagne équivaut à celui de la Bretagne...).
source: PVGIS
L'énergie solaire : un axe stratégique du gouvernement
Il y a à peine 20 ans, l’Allemagne était un pays en souffrance: l’enjeu et les coûts de la réunification ont entraîné un endettement public important, ainsi qu’un chômage atteignant les 11%, ajoutés à l’intense délocalisation des industries. La coalition écologiste et social-démocrate dut prendre des décisions lourdes et impopulaires pour restructurer le pays et le rendre plus compétitif, illustré par la non-réélection de Schröder et la victoire de la droite. Certains axes stratégiques avaient été alors définis, notamment l’export de produits manufacturés à forte valeur ajoutée (typiquement les grosses berlines). Le photovoltaïque représentait une opportunité pour devancer le marché mondial et relancer la compétitivité par l’expertise d’un secteur prometteur.
L’Allemagne est le vrai pionnier des subventions pour les énergies renouvelables. Alors que les Etats-Unis avaient implanté une première forme de tarifs d’achat dès 1978, l’Allemagne fut le premier pays européen à les suivre en 1990 avec le Stromeinspeisungsgesetz (“StrEg”, ou loi sur le raccordement électrique). Avec des coûts énergétiques très faibles aux Etats-Unis, les tarifs d’achat photovoltaiques ont reçu beaucoup de critique due à leur coût pour l’Etat, alors que l’Allemagne prenait justement la direction opposée: en 2000, ils restructurèrent la StrEg, renommée Erneuerbare Energien Gesetz (“EEG”, ou loi sur les énergies renouvelables), qui s’est avérée être la subvention la plus efficace au monde pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables. C’est la forme actuelle des tarifs d’achat, aujourd’hui une référence dans l’industrie, car utilisés dans plus de 50 pays dans le monde.
Le programme tel qu’il a été conduit en Allemagne est exemplaire non seulement dans sa mise en place et son ingéniosité, mais se différencie surtout dans sa visibilité, critère essentiel d’investissement de nos jours. Puisque c’est un secteur d’avenir très technologique, les investisseurs sont presque dépendants de cette visibilité pour pouvoir se lancer. Cela vous paraît évident? Et pourtant, c’est quelque chose qui n’est souvent pas prioritaire pour beaucoup d’autres gouvernements, notamment en France où la régulation a été particulièrement instable (avec ce fameux moratoire), ou encore en Espagne où a eu lieu un vrai feu de paille. Ainsi, bien que le tarif d’achat soit relativement bas en Allemagne (16,64 centimes/kWh), il suscite encore bien plus d’investissement qu’en France (pourtant à 32,01 centimes/kWh).
Source: DBCC, 2011
Si ce n’était qu’une question de subvention, et que le tarif d’achat en France est calqué sur celui de l’Allemagne et en plus deux fois plus élevé, pourquoi n’installons nous même pas un dixième de ce qu’installe l’Allemagne chaque année ? Vous l’aurez compris ; le problème, c’est que ce n’est pas uniquement une question de tarifs d’achat. C’est également une question de priorités. Le mot d’ordre est décentralisation, symbole du développement photovoltaïque.
Les Allemands ont depuis longtemps une certaine appréhension envers l'énergie nucléaire, alors que c’est une industrie largement acceptée en France ; elle relève au contraire d’une fierté nationale. Elle a une également plus tendance à décentraliser et partager les responsabilités, plutôt que de prôner un développement de ses très grands groupes industriels, comme Areva peut en être une illustration. Finalement, les allemands sont particulièrement sensibles envers les enjeux écologiques ; c’est une responsabilité importante dans leur pyramide de priorités (ou pyramide de Maslow). Non pas que leur culture soit à l’origine d’un comportement si différent de la France au niveau de la population, mais plutôt au niveau politique, et notamment dans la facilité des procédures d’investissement bureaucratiques.
L'efficacité allemande
C’est le pays le plus rapide et efficace d’Europe (certainement du monde aussi) pour mettre en place des panneaux photovoltaïques résidentiels, avec une durée moyenne de 7 semaines pour une procédure complète, contre 24 en France, et 58 en Espagne (selon PVGrid). Cela rend une facilité et une sécurité d’investissement encourageant les particuliers, et par conséquent les professionnels, à se lancer dans une technologie dissuasive car elle leur paraît souvent obscure. Il faut comprendre que le photovoltaïque est plus une question de demande que d’offre. On ne peut pas imposer un citoyen d’en faire installer sur son toit ; mais on peut lui faire comprendre que c’est dans l’intérêt de tous, y compris le sien, et par conséquent tout faire pour lui faciliter cette prise de responsabilité exemplaire.
Source: PVGRID
Par exemple, le raccordement au réseau y est fait quasi-instantanément. En France, il faut souvent attendre autour d’un mois avant la confirmation d’ERDF.
Au delà d’une administration efficace, les systèmes sont à des prix très intéressants en Allemagne : autour de 1,50€ / Wc, par rapport au prix français, s’élevant à 3,5€ voire jusqu’à 5€. Cela représente une différence de 10.000€ à 20.000€ pour une installation résidentielle moyenne (6 kWc). Il y a plusieurs explications à ceci :
- La régulation ne requiert pas l’intégration des panneaux dans le toit : ils peuvent être montés sur des rails, eux-mêmes tenus par des crochets fixés sur la charpente sous les tuiles. Cela peut sembler être un détail, mais en réalité, cela évite l’installateur d'acheter un système d'intégration coûteux et de remplacer les tuiles par des panneaux. Tout le monde y gagne du temps et de l’argent.
- Absence d’assurance décennale sur le marché: c’est l’assurance dont tout installateur en France doit se munir, et elle peut coûter plusieurs mois de salaire ! Cela se reflète évidemment dans les prix finaux d’installation des panneaux. De plus, celle-ci peut se perdre relativement rapidement (généralement au bout de la troisième erreur d’installation). Les erreurs deviennent de plus en plus rares, mais cette perte d’assurance représente une crainte et un frein dans les activités des installateurs, notamment lorsqu’il s’agit de reprendre le travail d’un autre installateur.
- Raccordement beaucoup moins cher, même pour les particuliers : en France il peut coûter jusqu’à 1.600€ pour une installation résidentielle plus de dix fois le prix allemand, pourtant plus rapide et moins complexe.
- Enfin, une commercialisation efficace: le photovoltaïque a atteint un stade de popularité tellement avancé que ce n’est même plus nécessaire de démarcher les particuliers. Il y a une telle demande que les entreprises peuvent réduire leurs dépenses commerciales (allouées aux commerciaux faisant du porte-à-porte par exemple), et ainsi réduire leurs prix de vente. En France, une importante part des dépenses dans l’industrie du solaire est effectuée à des fins promotionnelles et commerciales. De plus, la popularité du photovoltaïque permet également aux installateurs allemands de profiter d’économies d’échelle.
L’Allemagne a déjà dépassé le stade de parité réseau, c’est-à-dire lorsque c’est aussi cher d’acheter l’électricité du réseau que de la produire soi-même. A noter que le coût de l’électricité en Allemagne est très élevé par rapport à la France (autour de 26 centimes pour 12 centimes en France), ce qui suscite un intérêt accru en Allemagne de devenir son propre producteur d’électricité. Cela signifie quelque chose d’encore plus intéressant pour les Français : l’opportunité de vendre son électricité à un prix bien plus élevé que celui auquel on l’achète, et ainsi faire un investissement pour soi-même (et pour l’environnement !).
Conclusion : le solaire, une question de perception
Vous voyez que la domination allemande n’est pas nécessairement une question d’innovation, d’avancement du marché ou d’un meilleur standard de vie, loin de là. C’est une question de choix ; principalement politiques, et de ce fait, de la population. C’est une question de priorités, d’opportunités qui se sont ouvertes chez eux. On le sait bien, l’énergie est bien souvent une affaire étroitement liée aux activités de l’Etat, et pas moins dans le renouvelable.
L’industrie photovoltaïque française connaît des subventions des plus hautes dans le monde, et ainsi une rentabilité d’investissement solaire très intéressante. Pourquoi le solaire bloque-t-il ?
Sources:
- The Politics and Policy of Energy System Transformation—explaining the German Diffusion of Renewable Energy Technology, Jacobsson, S.; Lauber, V. (2006).
- Tiny German town produces - and sells - three times the energy it needs, de Ellen Palmer, Fresh Energy, 2011.
- La parité réseau est atteinte en Allemagne pour l’éléctricité solaire photovoltaïque, Fev. 2013, dans Energeia
- PV Grid http://www.pvgrid.eu/database.html
- Germany installed record amount of solar power in 2012, 7,6 of new capacity, Jan. 2013, dans Clean Technica
- 100 GW of solar PV now installed in the world today, James Montgomery, Fev. 2013, dans Renewableenergyworld
- Les installations photovoltaïques françaises sont les plus chères d’Europe, Propos recueillis par Eric Leysens, Avr. 2011 dans LeMoniteur.fr
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