La situation du marché photovoltaïque est en train de se transformer. L'évolution d'un marché aussi jeune et n'existant qu'au travers de subventions étatiques est extrêmement rapide et passionnante. Retraçons les grandes lignes de tout ce qui s'est produit en moins de 10 ans.
1ere étape : la ruée vers le photovoltaïque
Les subventions massives et soudaines des Etats envers le photovoltaïque ont créé un véritable "baby boom" dans cette industrie à travers le monde. Rien qu'en France, cette industrie quasi inexistante il y a à peine 10 ans, avait créé plus de 24 000 emplois jusqu'en 2010. Plus de 90 % d'entre eux ont été créés au cours des 4 années précédentes, durant lesquelles le secteur a vu ses effectifs croître de 19 % en moyenne par an.
On comptait alors près de 1000 emplois dans la recherche, plus de 6 000 dans la production industrielle et environ 16 000 dans l'installation et l'exploitation. L’ADEME estime qu’en 2010 le photovoltaïque a généré une activité de 4,695 milliards d’euros, soit plus de trois fois le chiffre de 2009 et seize fois celui de 2007 !
Ces subventions cachaient en réalité un piège : le photovoltaïque est devenu victime de son propre succès. Les Etats avaient mal calculé l'attractivité de ses subventions, et la France a par exemple dû imposer un moratoire d'installations en fin 2010 car il ne pouvait plus soutenir autant de projets, surtout en pleine crise économique.
2ème étape : la panique générale
Un nombre incroyable d'entreprises se sont formées pour produire ou installer du photovoltaïque, et personne n'était capable de contrôler cette ruée. Les Etats avaient établi des règles de jeu de manière assez aléatoire, avec un tarif d'achat allant jusqu'à 60 centimes / kWc en France. Ils n'auraient pas pu s'imaginer un tel engouement, et n'ont pas su évaluer les conséquences que pouvaient entraîner un développement aussi massif du photovoltaïque. En conséquence, le gouvernement français a voulu refroidir la machine en imposant ce fameux moratoire photovoltaïque, et drastiquement baisser les subventions (le tarif d'achat). Ce tarif est passé de près de 60 centimes / kWc à environ 30 centimes. Sachant que c'est un investissement sur 20 ans, cette baisse est tout de même notable.
Lire l'article "L'énergie solaire en France : Etat des lieux, perspectives" pour en savoir plus sur l'évolution du marché français.
Cette implosion du secteur n'a pas été propre à une instabilité régulatoire, ni à la France de manière générale. Elle a eu lieu dans le monde entier, pour deux raisons principales. La première est l'étendue de la compétition, qui a amené tous les acteurs à baisser leurs prix pour rester compétitif. Ainsi, ils ont commencé à produire à perte pour ne pas perdre de parts de marchés dans une industrie à très forte croissance. Dans ce genre de contexte, il faut s'accrocher et tenir bon jusqu'à ce que la tempête passe…
Seulement, celle-ci ne risque pas de s'en aller d'ici là, du fait du deuxième élément perturbateur : le coup de massue de dumping chinois. Cette concurrence déloyale chinoise, subventionnée massivement par un Etat qui a trop d'argent à dépenser, a alimenté la tempête et achevé bon nombre de producteurs européens. Il n'y a qu'à voir les chiffres.
S'en suivit une guerre commerciale photovoltaïque entre Bruxelles et Pékin durant tout l'été 2013
3ème étape : une évolution darwiniste
Dans cette jungle solaire, il n'y a aucune pitié ; c'est la loi du plus fort qui l'emporte. Seules les entreprises capables de s'adapter et de se débrouiller dans un environnement aussi hostile ont survécu. En France, le nombre d’emplois dans la filière photovoltaïque a quasiment été divisé par deux : alors qu'ils étaient plus de 32 500 en 2010, ils ne sont aujourd’hui plus que 18.000. Les dépôts de bilan se sont multipliés (Q-Cells, Photowatt, Suntech, etc.) ; cependant, les survivants n'en deviennent que plus forts. Le problème étant que les survivants sont pour beaucoup des entreprises subventionnées déloyalement par la Chine.
L'industrie photovoltaïque reste encore très segmentée. A titre de comparison, on compte aujourd'hui 20 fabricants qui se partagent 70% des parts de marché du photovoltaïque (alors que pour l'hydraulique, industrie mûre et stable, 5 acteurs occupent 80% des parts de production). Cependant, la part des top 20 des fabricants de modules PV n'était qu'à 58% au même moment l'année dernière. En terme de prise de pouvoir par pays, voici une autre statistique révélatrice : en 2011, environ 60% de la production photovoltaïque mondiale provenait de la chine.
4ème étape : la renaissance du photovoltaïque
On sait que le photovoltaïque sera une industrie du futur ; il n'y a qu'à voir la vitesse à laquelle elle croît. Il va falloir trouver les besoins qu'ont engendré les 10 premières années, et savoir se situer dans la chaine de valeurs. La valeur aujourd'hui, c'est la commercialisation. Si on trouve un moyen de commercialiser, on a le pouvoir de débloquer une situation de stagnation en sur-capacité et de lancer la machine. Cette nécessité de déployer les panneaux est dans l'immédiat, car les stockages commencent à exploser, c'est une situation critique.
Lire l'article "Petite analyse économique du marché photovoltaïque"
Aujourd'hui en France, il y a actuellement plus de 35000 demandes de raccordement auprès d'ERDF, ce qui représente plus de 2.2 GW. La renaissance du marché est en route : elle viendra d'une demande accrue de photovoltaïque, pour compenser la sur-capacité. Il est nécessaire que les fabricants vident leurs stocks et deviennent rentables, pour pouvoir investir plus dans la recherche, avoir plus de retour des réalités du marché et stabiliser son évolution.